« Jusqu’en 2013,
l’Afrique est parvenue à augmenter ses recettes intérieures, ayant collecté 468
milliards USD de recettes fiscales et non fiscales cette année-là. Depuis
cependant, ce chiffre ne cesse de s’éroder sur fond de chute des recettes
tirées des ressources naturelles : en 2014, les pays d’Afrique ont collecté 461
milliards USD, soit un recul de 1.5 % en un an » (Perspectives Economiques en Afrique(PEA),
2016)
Au Niger, malgré les difficultés dans les secteurs minier et
pétrolier qui ont eu un impact baissier sur les recettes, celles-ci ont connu
en 2015 « une progression de 13,5 % sur un an, reflet des progrès réalisés
dans la collecte des recettes fiscales (+14,4 %) suite aux réformes des
administrations douanières et fiscales mais également aux mesures liées à une
taxation plus adaptée aux petites entreprises et la réduction des exonérations
(PEA Niger, 2016). Cette performance a, par ailleurs, permis au Niger
d’améliorer son taux de pression fiscale de 15,5 % en 2014 à 17,2 % dans la
même année.
Cette dynamique positive est aussi observable dans les autres
pays pauvres en ressources. Ces derniers ont en effet progressivement renforcé
leurs recettes publiques en s’affranchissant graduellement de la dépendance à
l’égard de la « fiscalité de porte » (droits de douane stricto
sensu) au profit des impôts directs sur les revenus des particuliers et les
bénéfices des entreprises et des impôts indirects sur les biens de
consommation. Selon les PEA(2016), « les recettes publiques sont donc passées
de 62 à 88 milliards USD entre 2010 et 2014. Cette hausse étant plus rapide que
celle du PIB, le ratio moyen recettes/PIB est passé de 8.2 % en 2010 à 10.2 %
en 2014 » dans ces pays. Cela nous amène à nous intéresser sur la façon
dont se finance le budget de notre pays.
Comment se finance le
budget du Niger ?
Selon la BCEAO (2016), « l'essentiel des ressources budgétaires [au
Niger] provient des recettes fiscales recouvrées par les deux régies
financières, la Direction Générale des Douanes (DGD) au titre de la fiscalité
de porte (411,6 milliards) et la Direction Générale des Impôts (DGI) à travers
les taxes sur biens et services (414,1 milliards), l'impôt sur les revenus
(162,9 milliards) et les autres recettes fiscales (60,0 milliards). Les
recettes non fiscales et celles des comptes spéciaux ont atteint 82,0
milliards ».
Pour l’année 2015, les recettes
totales du Niger se sont établies à 990,1 milliards de FCFA contre 914,68
milliards de FCFA l’année précédente, soit une hausse de 8% d’après nos
calculs. A titre de comparaison, les recettes totales du Mali et du Burkina s’élèvent
respectivement à 1273,4 milliards de FCFA et 1047,640 milliards de FCFA sur la
même année.
Cependant, les dons faits au Niger enregistrent depuis
2013 une tendance baissière, comme on peut l’observer sur le graphique
ci-dessous : 304,9 milliards de FCFA cette année –là contre 211 milliards
en 2015. Un recul qui serait imputable aux turbulences (crise de Subprimes,
crise des dettes souveraines en Zone Euro) qui ont traversé ces dernières
années les pays développés, principaux pourvoyeurs de ces aides, et qui ont
conduit les pouvoirs publics des ces pays à donner un tour de vis budgétaire.
Cette décision a eu un « impact
direct sur l'aide versée aux pays pauvres » (OCDE, 2012).
Face à la baisse des cours de matières et la volonté de
s’affranchir progressivement de l’aide extérieure pour financer leur
développement, il devient impératif pour les pays en développement (PED), comme
le Niger, de mobiliser davantage de ressources internes.
La mobilisation de
ressources internes, une nécessité pour financer le développement
Il est essentiel de garantir un
éventail de ressources financières suffisamment large à un Etat pour lui
permettre d’exercer « correctement » ses missions, et parmi elles,
les ressources d’origine fiscale.
Lors de son message à la Nation du 17 décembre dernier, le
Président de la République avait beaucoup mis l'accent sur la mobilisation des
ressources internes. « Tout sera mis en œuvre pour élargir l’assiette
fiscale dans le pays » disait-il sur un ton « ferme ». Une
fermeté qui s’inspire du Programme
d’action d’Addis-Abeba. Un programme ayant fait de la « mobilisation des recettes publiques intérieures sa
priorité. C’est en effet vital pour réaliser les objectifs de développement
durable (ODD) relatifs à la hausse de la productivité et la croissance
inclusive, mais c’est aussi un moyen de renforcer l’appropriation des
politiques publiques par les populations et d’orienter un pays vers une plus
grande autonomie financière » (PEA, 2016). En clair, la fiscalité doit occuper une place centrale dans la
structure des budgets des pays en développement et dans la construction de la
vie démocratique interne.
D’une manière générale, les taux de pression fiscale, qui
mesure le ratio des recettes fiscales rapportées au PIB, dans les PED représentent
en moyenne 17% du produit intérieur brut (PIB). Un taux très faible par rapport
aux normes internationales. A titre de comparaison, dans les pays de l’OCDE, en
moyenne, les recettes fiscales ressortent à 34, 4 % du PIB. Au Niger, ce taux s’est établi à 17,2% du PIB
en 2015 (contre 15,5% en 2014), soit légèrement au dessus de la moyenne
communautaire (17%), mais en dessous de celle de la CEDEAO (20%). Comparé aux
autres pays de l’UEMOA, le Niger se classe au troisième rang en ce qui concerne
le niveau de pression fiscale derrière le Sénégal et le Togo pour l’année 2015.
Pour financer son développement, l’Afrique en général, et le
Niger en particulier, dispose de leviers pouvant être actionnés pour réduire leur
dépendance vis-à-vis de l'aide internationale en baisse et aux ressources
naturelles dont les prix se tassent.
Au plan national, la taxe immobilière est l'une des armes
redoutables que compte utiliser l'Etat pour renflouer [en partie] ses caisses.
S'agit-il de la taxe foncière et/ou d'habitation? On attend plus de précisions.
Preuve de cette détermination, l'Etat compte recruter trois cents (300) agents
d’exécution devant permettre de conduire de "manière résolue
l’indentification et le recensement de toutes les propriétés immobilières, dont
l’essor est fulgurant à travers tout le pays, pour faire rentrer l’État dans ses
droits" (SE Mahamadou Issoufou, 2016). Outre, S. E Mahamadou Issoufou en
appelle à sens de responsabilité des Nigériens "pour un sursaut
patriotique à travers la transmission spontanée des déclarations fiscales aussi
bien par les propriétaires que par les locataires". Il incombe à présent à
nos dirigeants de s'ériger en modèle, en s’acquittant correctement de leurs
impôts. Ainsi, le Peuple suivra en s’acquittera aussi des siens.
Si la volonté politique y est, il n’en demeure pas moins que
le Niger, à l’instar des autres pays africains, se heurte encore à des
obstacles considérables pour lever plus et mieux leurs impôts. La faute à une
structure économique et un secteur informel toujours dominant. D’où la
nécessité de reformer en profondeur les services de recouvrements défaillants
pour mettre l’Etat pleinement dans ses
droits.
Miser sur les reformes
pour accroître les recettes fiscales
Les administrations fiscales africaines
rivalisent d’imagination pour accroître leurs recettes fiscales. Le cas du Togo
reste emblématique en la matière. En voici quelques mesures phares mise en
place par le pays de Faure Gnassingbé en 2014 :
- Fusion du service des impôts et de la douane : une
simplification administrative devant faciliter le paiement des impôts et
taxes ;
- Paiement d'impôt par virement bancaire contre le paiement
en liquide auparavant. Une procédure qui permettra de limiter les petits
arrangements entre contribuable et agent des impôts ;
- Education des contribuables sur la nécessité de payer les
impôts : des fonctionnaires du fisc togolais sillonnent le pays pour
expliquer à leur concitoyens le bien-fondé de s’acquitter des impôts.
Une stratégie qui s’est avérée payante car elle a permit aux
caisses de l’Etat d’engranger 500 milliards de FCFA en 2015, soit 20% de plus
qu’en 2013 selon le fisc togolais.
Notre pays n’est pas en reste en matière de reformes de
l’administration fiscale. Récemment, la note 0032/DGD/DRRI instaure des mesures
d'assouplissement exceptionnelles dans le dédouanement des motocycles jusqu'au
31 décembre 2016 :
- Pour les motocycles neufs ou usagés de 50cm3 à 80cm3 de toutes marques ou provenances à l'exception de Yamaha et Honda. La base taxable à considérer est de 43.000 FCFA soit 20.369fcfa de droits.
- S'agissant des motocycles neufs ou usagés de plus de 80cm3 à 250cm3 de type Kasea, Loncin, Lifan, Gynco ou Royal de toutes marques ou provenances, la valeur taxable est de 53.000fcfa soit 25.106fcfa de droits. Une opération marketing devant inciter nos concitoyens à régulariser leur situation et pouvoir circuler en toute « tranquillité ».
- S’agissant de la Direction Générale des Impôts, « les réformes porteront sur la mise en place d’un système informatisé de suivi des impôts et des contribuables (SISIC), le rapprochement de l’administration des contribuables par l’ouverture de nouveaux centres, l’extension, au niveau national, du champ des compétences de la direction des grandes entreprises et celle du contrôle, le renforcement du dispositif interne de contrôle et d’audit fiscal. De même, le Comité Arbitral de Recours Fiscaux (CARFI) entrera dans une phase active pour permettre un dénouement diligent des recours fiscaux émis par les contribuables » (S.E Mahamadou Issoufou, 2016).
Le principe qui entoure ces « innovations » ou
« révolutions » fiscales consiste à faire participer « tout le
monde » à l’effort national et donc de ne pas risquer de provoquer un
sentiment d’acharnement fiscal dans les secteurs aisément taxables et sur les
entreprises du secteur formel.
Ces mesures, non-exhaustives, contribueront certes à
rehausser le niveau des recettes publiques. Mais elles demeureront
insuffisantes pour couvrir le besoins de financement du pays. D’où la nécessité
d’optimiser les dépenses de l’Etat.
Optimiser les dépenses de l’Etat
Il existe une panoplie de pistes à explorer pour optimiser
les dépenses publiques. En voici quelques-unes :
La mise en place effective du « Compte
Unique du Trésor » annoncée par le Président de la République est une
décision encourageante. Cette mesure, au delà de permettre la rationalisation
de la gestion de la trésorerie, contrôler l’utilisation des ressources
publiques et donner une plus grande célérité dans le traitement des opérations
financières de l’Etat, va réduire de
façon significative les frais de tenue de compte, qui s’élaveraient à
plusieurs centaine de millions par an, que génèrent les centaines de comptes
bancaires que notre pays détient.
Faire des économies au sommet de
l’Etat
De nombreux privilèges accordés aux
membres du gouvernement ainsi que les députés nationaux : fonds
politiques, exonération d'impôts partielle (50%) (pour ces derniers),
traitements et indemnités dont les montants restent un grand mystère pour le
grand public et ne reflétant guère leurs performances … pèsent lourdement sur
les finances publiques. Cette situation ne fait qu’aggraver le déficit public
(hors dons) qui s’est établi à 591,8 milliards en 2015 contre 549,6 milliards un
an plus tôt.
Or, il est avéré qu’en réduisant le train de vie de l’Etat : réduction de 30%, voire
plus, des traitements (salaires) du Président de la République, des ministres
et députés par exemple ; accroître la transparence dans la passation des
marchés publics, on pourrait réaliser d’énormes économies. Ces dernières
pourraient être allouées au financement de certains projets visant à améliorer
le quotidien de nos citoyens. Autrement dit, orienter ces économies vers les
dépenses sur l’éducation, l’innovation, les soins de santé et les infrastructures.
On pourrait ainsi éviter aussi les emprunts « tous azimuts » auprès des
institutions internationales et limiter notre exposition face à des bailleurs
de fonds parfois "peu scrupuleux".
· L'amélioration de la qualité de la
dépense publique
L'amélioration de la qualité de la dépense, qui participe au
consentement des populations à l'impôt, reste
un défi central dans de nombreux pays
africains. Le Niger n’échappe n’y échappe guère. Selon un rapport du FMDV
(2014), « l’amélioration de la
qualité de la dépense publique est indissociable de la mise en place de
contrôles des finances locales garants d’une gestion locale saine. C’est pourquoi,
les législations nationales doivent prévoir la transparence et la performance
des collectivités locales. La transparence est nécessaire à l’efficacité et à
l’efficience de l’action locale ; elle est incontournable pour la redevabilité
des autorités locales vis-à-vis de la population. Elle est améliorée lorsque
les citoyens ont accès aux informations sur le fonctionnement et la gestion
locale, lorsque les autorités locales respectent un certain nombre de règles et
procédures légales en matière de recrutement et d’administration du personnel,
d’appels d’offres, de passation des marchés, etc.; et sont soumises à des
audits réguliers et indépendants - financiers mais aussi organisationnel ».
Dans un contexte politique fortement
marqué par des soupçons de détournement de deniers publics ou de corruption
impliquant les hommes politiques nigériens, cette façon de faire devrait
accroître indubitablement la confiance entre le Peuple et ses dirigeants et
permettre à notre pays accroître significativement ses recettes budgétaires
et de figurer parmi les pays les mieux classés en matière de bonne gouvernance
dans le monde.
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