Le Niger a tout pour réussir

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jeudi 6 avril 2017

Accroitre les ressources publiques pour mieux faire face au défi du développement au Niger

« Jusqu’en 2013, l’Afrique est parvenue à augmenter ses recettes intérieures, ayant collecté 468 milliards USD de recettes fiscales et non fiscales cette année-là. Depuis cependant, ce chiffre ne cesse de s’éroder sur fond de chute des recettes tirées des ressources naturelles : en 2014, les pays d’Afrique ont collecté 461 milliards USD, soit un recul de 1.5 % en un an » (Perspectives Economiques en Afrique(PEA), 2016)


        Au Niger, malgré les difficultés dans les secteurs minier et pétrolier qui ont eu un impact baissier sur les recettes, celles-ci ont connu en 2015 « une progression de 13,5 % sur un an, reflet des progrès réalisés dans la collecte des recettes fiscales (+14,4 %) suite aux réformes des administrations douanières et fiscales mais également aux mesures liées à une taxation plus adaptée aux petites entreprises et la réduction des exonérations (PEA Niger, 2016). Cette performance a, par ailleurs, permis au Niger d’améliorer son taux de pression fiscale de 15,5 % en 2014 à 17,2 % dans la même année.

Cette dynamique positive est aussi observable dans les autres pays pauvres en ressources. Ces derniers ont en effet progressivement renforcé leurs recettes publiques en s’affranchissant graduellement de la dépendance à l’égard de la  « fiscalité de porte » (droits de douane stricto sensu) au profit des impôts directs sur les revenus des particuliers et les bénéfices des entreprises et des impôts indirects sur les biens de consommation. Selon les PEA(2016), « les recettes publiques sont donc passées de 62 à 88 milliards USD entre 2010 et 2014. Cette hausse étant plus rapide que celle du PIB, le ratio moyen recettes/PIB est passé de 8.2 % en 2010 à 10.2 % en 2014 » dans ces pays. Cela nous amène à nous intéresser sur la façon dont se finance le budget de notre pays.


Comment se finance le budget du Niger ?

Selon la BCEAO (2016), « l'essentiel des ressources budgétaires [au Niger] provient des recettes fiscales recouvrées par les deux régies financières, la Direction Générale des Douanes (DGD) au titre de la fiscalité de porte (411,6 milliards) et la Direction Générale des Impôts (DGI) à travers les taxes sur biens et services (414,1 milliards), l'impôt sur les revenus (162,9 milliards) et les autres recettes fiscales (60,0 milliards). Les recettes non fiscales et celles des comptes spéciaux ont atteint 82,0 milliards ».
Pour l’année 2015, les recettes totales du Niger se sont établies à 990,1 milliards de FCFA contre 914,68 milliards de FCFA l’année précédente, soit une hausse de 8% d’après nos calculs. A titre de comparaison, les recettes totales du Mali et du Burkina s’élèvent respectivement à 1273,4 milliards de FCFA et 1047,640 milliards de FCFA sur la même année.

Bien que ces recettes domestiques s’accroissent, elles paraissent « insuffisantes » pour faire face aux exigences du financement de leur développement. Face à cette « insuffisance », des dons étrangers affluent pour aider nos pays, le Niger compris, à préparer leur « accession » au développement. Le Niger, le Mali et le Burkina Faso ont reçu respectivement 211 milliards FCFA,  207,7 milliards et 230,04 milliards de dons en 2015. 

Cependant, les dons faits au Niger enregistrent depuis 2013 une tendance baissière, comme on peut l’observer sur le graphique ci-dessous : 304,9 milliards de FCFA cette année –là contre 211 milliards en 2015. Un recul qui serait imputable aux turbulences (crise de Subprimes, crise des dettes souveraines en Zone Euro) qui ont traversé ces dernières années les pays développés, principaux pourvoyeurs de ces aides, et qui ont conduit les pouvoirs publics des ces pays à donner un tour de vis budgétaire. Cette  décision a eu un « impact direct sur l'aide versée aux pays pauvres » (OCDE, 2012). 

Face à la baisse des cours de matières et la volonté de s’affranchir progressivement de l’aide extérieure pour financer leur développement, il devient impératif pour les pays en développement (PED), comme le Niger, de mobiliser davantage de ressources internes.


La mobilisation de ressources internes, une nécessité pour financer le développement 


Il est essentiel de garantir un éventail de ressources financières suffisamment large à un Etat pour lui permettre d’exercer « correctement » ses missions, et parmi elles, les ressources d’origine fiscale.
Lors de son message à la Nation du 17 décembre dernier, le Président de la République avait beaucoup mis l'accent sur la mobilisation des ressources internes. « Tout sera mis en œuvre pour élargir l’assiette fiscale dans le pays » disait-il sur un ton « ferme ». Une fermeté qui s’inspire du Programme d’action d’Addis-Abeba. Un programme ayant fait de la « mobilisation des recettes publiques intérieures sa priorité. C’est en effet vital pour réaliser les objectifs de développement durable (ODD) relatifs à la hausse de la productivité et la croissance inclusive, mais c’est aussi un moyen de renforcer l’appropriation des politiques publiques par les populations et d’orienter un pays vers une plus grande autonomie financière » (PEA, 2016). En clair, la fiscalité doit occuper une place centrale dans la structure des budgets des pays en développement et dans la construction de la vie démocratique interne.
D’une manière générale, les taux de pression fiscale, qui mesure le ratio des recettes fiscales rapportées au PIB, dans les PED représentent en moyenne 17% du produit intérieur brut (PIB). Un taux très faible par rapport aux normes internationales. A titre de comparaison, dans les pays de l’OCDE, en moyenne, les recettes fiscales ressortent à 34, 4 % du PIB.   Au Niger, ce taux s’est établi à 17,2% du PIB en 2015 (contre 15,5% en 2014), soit légèrement au dessus de la moyenne communautaire (17%), mais en dessous de celle de la CEDEAO (20%). Comparé aux autres pays de l’UEMOA, le Niger se classe au troisième rang en ce qui concerne le niveau de pression fiscale derrière le Sénégal et le Togo pour l’année 2015.


Pour financer son développement, l’Afrique en général, et le Niger en particulier, dispose de leviers pouvant être actionnés pour réduire leur dépendance vis-à-vis de l'aide internationale en baisse et aux ressources naturelles dont les prix se tassent.
Au plan national, la taxe immobilière est l'une des armes redoutables que compte utiliser l'Etat pour renflouer [en partie] ses caisses. S'agit-il de la taxe foncière et/ou d'habitation? On attend plus de précisions. Preuve de cette détermination, l'Etat compte recruter trois cents (300) agents d’exécution devant permettre de conduire de "manière résolue l’indentification et le recensement de toutes les propriétés immobilières, dont l’essor est fulgurant à travers tout le pays, pour faire rentrer l’État dans ses droits" (SE Mahamadou Issoufou, 2016). Outre, S. E Mahamadou Issoufou en appelle à sens de responsabilité des Nigériens "pour un sursaut patriotique à travers la transmission spontanée des déclarations fiscales aussi bien par les propriétaires que par les locataires". Il incombe à présent à nos dirigeants de s'ériger en modèle, en s’acquittant correctement de leurs impôts. Ainsi, le Peuple suivra en s’acquittera aussi des siens.
Si la volonté politique y est, il n’en demeure pas moins que le Niger, à l’instar des autres pays africains, se heurte encore à des obstacles considérables pour lever plus et mieux leurs impôts. La faute à une structure économique et un secteur informel toujours dominant. D’où la nécessité de reformer en profondeur les services de recouvrements défaillants pour  mettre l’Etat pleinement dans ses droits.


Miser sur les reformes pour accroître les recettes fiscales


Les administrations fiscales africaines rivalisent d’imagination pour accroître leurs recettes fiscales. Le cas du Togo reste emblématique en la matière. En voici quelques mesures phares mise en place par le pays de Faure Gnassingbé en 2014 :  
- Fusion du service des impôts et de la douane : une simplification administrative devant faciliter le paiement des impôts et taxes ;
- Paiement d'impôt par virement bancaire contre le paiement en liquide auparavant. Une procédure qui permettra de limiter les petits arrangements entre contribuable et agent des impôts ;
- Education des contribuables sur la nécessité de payer les impôts : des fonctionnaires du fisc togolais sillonnent le pays pour expliquer à leur concitoyens le bien-fondé de s’acquitter des impôts.
Une stratégie qui s’est avérée payante car elle a permit aux caisses de l’Etat d’engranger 500 milliards de FCFA en 2015, soit 20% de plus qu’en 2013 selon le fisc togolais.

Notre pays n’est pas en reste en matière de reformes de l’administration fiscale. Récemment, la note 0032/DGD/DRRI instaure des mesures d'assouplissement exceptionnelles dans le dédouanement des motocycles jusqu'au 31 décembre 2016 :
  • Pour les motocycles neufs ou usagés de 50cm3 à 80cm3 de toutes marques ou provenances à l'exception de Yamaha et Honda. La base taxable à considérer est de 43.000 FCFA soit 20.369fcfa de droits.
  • S'agissant des motocycles neufs ou usagés de plus de 80cm3 à 250cm3 de type Kasea, Loncin, Lifan, Gynco ou Royal de toutes marques ou provenances, la valeur taxable est de 53.000fcfa soit 25.106fcfa de droits. Une opération marketing devant inciter nos concitoyens à régulariser leur situation et pouvoir circuler en toute « tranquillité ».
  • S’agissant de la Direction Générale des Impôts, « les réformes porteront sur la mise en place d’un système informatisé de suivi des impôts et des contribuables (SISIC), le rapprochement de l’administration des contribuables par l’ouverture de nouveaux centres, l’extension, au niveau national, du champ des compétences de la direction des grandes entreprises et celle du contrôle, le renforcement du dispositif interne de contrôle et d’audit fiscal. De même, le Comité Arbitral de Recours Fiscaux (CARFI) entrera dans une phase active pour permettre un dénouement diligent des recours fiscaux émis par les contribuables » (S.E Mahamadou Issoufou, 2016).

Le principe qui entoure ces « innovations » ou « révolutions » fiscales consiste à faire participer « tout le monde » à l’effort national et donc de ne pas risquer de provoquer un sentiment d’acharnement fiscal dans les secteurs aisément taxables et sur les entreprises du secteur formel.
Ces mesures, non-exhaustives, contribueront certes à rehausser le niveau des recettes publiques. Mais elles demeureront insuffisantes pour couvrir le besoins de financement du pays. D’où la nécessité d’optimiser les dépenses de l’Etat.


Optimiser les dépenses de l’Etat


 Il existe une panoplie de pistes à explorer pour optimiser les dépenses publiques. En voici quelques-unes :

·               Simplifier certaines procédures administratives pour faire des économies


La mise en place effective du « Compte Unique du Trésor » annoncée par le Président de la République est une décision encourageante. Cette mesure, au delà de permettre la rationalisation de la gestion de la trésorerie, contrôler l’utilisation des ressources publiques et donner une plus grande célérité dans le traitement des opérations financières de l’Etat,  va réduire de façon significative les frais de tenue de compte, qui s’élaveraient à plusieurs centaine de millions par an, que génèrent les centaines de comptes bancaires que notre pays détient.    


Faire des économies au sommet de l’Etat


De nombreux privilèges accordés aux membres du gouvernement ainsi que les députés nationaux : fonds politiques, exonération d'impôts partielle (50%) (pour ces derniers), traitements et indemnités dont les montants restent un grand mystère pour le grand public et ne reflétant guère leurs performances … pèsent lourdement sur les finances publiques. Cette situation ne fait qu’aggraver le déficit public (hors dons) qui s’est établi à 591,8 milliards en 2015 contre 549,6 milliards un an plus tôt.
Or, il est avéré qu’en réduisant le train  de vie de l’Etat : réduction de 30%, voire plus, des traitements (salaires) du Président de la République, des ministres et députés par exemple ; accroître la transparence dans la passation des marchés publics, on pourrait réaliser d’énormes économies. Ces dernières pourraient être allouées au financement de certains projets visant à améliorer le quotidien de nos citoyens. Autrement dit, orienter ces économies vers les dépenses sur l’éducation, l’innovation, les soins de santé et les infrastructures. On pourrait ainsi éviter aussi les emprunts « tous azimuts » auprès des institutions internationales et limiter notre exposition face à des bailleurs de fonds parfois "peu scrupuleux".

·                              L'amélioration de la qualité de la dépense publique


L'amélioration de la qualité de la dépense, qui participe au consentement des populations à l'impôt, reste un défi central dans de nombreux pays africains. Le Niger n’échappe n’y échappe guère. Selon un rapport du FMDV (2014), « l’amélioration de la qualité de la dépense publique est indissociable de la mise en place de contrôles des finances locales garants d’une gestion locale saine. C’est pourquoi, les législations nationales doivent prévoir la transparence et la performance des collectivités locales. La transparence est nécessaire à l’efficacité et à l’efficience de l’action locale ; elle est incontournable pour la redevabilité des autorités locales vis-à-vis de la population. Elle est améliorée lorsque les citoyens ont accès aux informations sur le fonctionnement et la gestion locale, lorsque les autorités locales respectent un certain nombre de règles et procédures légales en matière de recrutement et d’administration du personnel, d’appels d’offres, de passation des marchés, etc.; et sont soumises à des audits réguliers et indépendants - financiers mais aussi organisationnel ».
Dans un contexte politique fortement marqué par des soupçons de détournement de deniers publics ou de corruption impliquant les hommes politiques nigériens, cette façon de faire devrait accroître indubitablement la confiance entre le Peuple et ses dirigeants et permettre à notre pays accroître significativement ses recettes budgétaires et de figurer parmi les pays les mieux classés en matière de bonne gouvernance dans le monde.

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