Le Niger a tout pour réussir

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mardi 23 juillet 2019

Niger : l’émergence du pays passe aussi par un secteur culturel performant


« […] Si l’Etat encourageait, c'est-à-dire s’il laissait jouir d’une parfaite liberté tous ceux qui, pour leur propre intérêt, voudraient essayer d’amuser et de divertir le peuple, sans scandale te sans indécence, par des peintures, de la poésie, de la musique et de la danse, par toutes sortes de spectacles et de représentations dramatiques, il viendrait aisément à bout de dissiper dans la majeure partie du peuple cette humeur sombre et cette disposition de mélancolie qui sont presque toujours l’aliment de la superstition et de l’enthousiasme. » (Adam Smith, Livre V, chap. 1, section 3).

Pendant longtemps, la conception dominante du « développement » a été réduite à celle de la « croissance économique » et ce n'est que peu à peu qu'on a parlé de « développement économique et social », la « dimension culturelle » étant introduite à une date récente. Cette évolution correspond, certes, à une meilleure prise de conscience que la culture rend possible le développement économique et le stimule.

Le concept de culture ne possède pas de définition consensuelle capable de satisfaire les points de vue divergents de différents auteurs et courants de pensée, autant en économie, en sociologie qu'en anthropologie. Néanmoins, la définition qui nous intéresse est celle qui considère la culture comme étant « une catégorie concrète et descriptive faisant allusion au travail artistique et intellectuel. Le concept de culture est donc lié spécifiquement aux produits des sociétés dans lesquelles la valeur symbolique ou esthétique occupe une place prépondérante. Actuellement, cette interprétation de la culture représente le sens le plus commun utilisé dans le langage courant, incluant l'ensemble des activités issues des arts, des industries culturelles, de l'artisanat, du patrimoine, etc. (autrement dit, le 'secteur culturel') » (FELIPE VERDUGO-ULLOA, 2018).

La culture :  un enjeu important pour le développement

La culture constitue indéniablement un enjeu important pour le développement. Comme en témoignent les choix opérés par des pays comme la Chine, l'Inde, l'Indonésie, le Brésil, d'investir massivement dans les industries créatives. Dans les années quatre-vingt-dix, le concept d’industries créatives, incluant l’architecture, le design, la publicité, l’artisanat, la mode ou le tourisme culturel, voit le jour en Australie puis se développe au Royaume-Uni. Ces industries ont été définies comme « toute industrie qui a pour origine la créativité individuelle, l’habileté et le talent et qui a le potentiel de produire de la richesse et de l’emploi à travers la création et l’exploitation de la propriété intellectuelle ». La notion de créativité est liée à la capacité de générer de nouvelles idées. En 10 ans, le poids de la culture dans les politiques nationales de développement a bondi. Elle fait aussi partie des stratégies, selon Irina Bokova, directrice générale de l'Unesco (2009 à 2017), de sortie de crise. La présidente de l’institution onusienne citait en 2014 l'exemple de l'Islande, l'un des premiers pays européens touchés par la crise de subprimes. Le Président de ce petit pays européen déclarait que sa première mesure d'urgence, pour répondre à la crise qui sévissait, avait été de décider la construction d'une salle de concert, « à la fois pour relancer l'emploi, et comme un projet fédérateur pour redonner de la dignité et de la confiance en l'avenir ». Dans le passé, le secteur culturel n'a pas toujours été au centre des stratégies de développement rapide - mais quand il s'agit de construire un développement durable, la culture a de nombreux atouts. Les résolutions de l'Assemblée générale des Nations Unies sur « Culture et développement » poussées par l'UNESCO et adoptées en 2011, 2010 et 2013 témoignent du changement de mentalités.

La politique culturelle au Niger
Incontestablement, c’est sous le régime militaire de Seyni Kountché que le secteur culturel nigérien connut sa période de gloire imputable, en partie, à la création du « Mouvement National de la Jeunesse Nigérienne » : la « Samaria ». La mission assignée à cette structure consistait à « promouvoir et de développer, à travers les actions communautaires de la Jeunesse, la fraternité, l'entraide et la solidarité, ainsi que les valeurs   culturelles artistiques nationales et la pratique des activités éducatives et sportives. Par ailleurs, le Mouvement National de la Samaria avait pour objectif de créer et d'entretenir chez les jeunes l'esprit patriotique et fraternel, le respect des valeurs sociales. Il visait à organiser ces jeunes en vue d'une meilleure intégration dans le processus du développement du pays et de favoriser par-là même, la promotion individuelle et collective des jeunes par des actions appropriées » (Pour en savoir plus https://bit.ly/2WDYiWc). Après la mort de Kountché, le secteur culturel était devenu quasiment le parent pauvre des politiques publiques. Comme en témoigne le mouvement « Djogol Culture », né de la volonté de certains artistes nigériens, pour exiger l’amélioration de leurs conditions de travail et vie, la promotion et la prospérité de la culture nigérienne. 
Cette revendication aurait vraisemblablement été prise en compte avec l’arrivée du régime de S.E Issoufou Mahamadou qui a fait de la « Renaissance Culturelle » un axe majeur de son mandat. L’objectif affiché était de valoriser de nombreux atouts dont dispose le pays, notamment à la jeunesse talentueuse de la population et l’existence des sites et monuments culturels. Une façon de pallier « l’absence d’une cartographie du patrimoine culturel, l’insuffisance du soutien à la création des biens et services culturels, l’inexistence d’un réseau structuré de distribution et de diffusion des biens culturels et la faible capacité du Bureau Nigérien des Droits d’Auteurs (BNDA) ».
De nombreuses mesures ont ainsi été prises telles que la création du Le ministre de la renaissance culturelle, des arts et de la modernisation sociale, la Création de l’Agence de Promotion des Entreprises et Industries Culturelles du Niger (APEIC-Niger), la valorisation du statut de l’artiste au Niger, etc. (suivre ce lien pour en savoir plus https://bit.ly/2KOZELJ). Il apparait clairement que ces politiques visent à créer un cadre favorisant le développement des industries culturelles et créatives (voir ci-dessus) à travers le pays.

Qu’entend-on par industries culturelles ?
« L’arbre sans fruits de Aicha Macky », « le héros du sahel » de MOGMédia Design, la chanson « Annassara Dogari » de Mali Yaro … autant œuvres et d’acteurs qui contribuent au rayonnement de l’industrie culturelle nigérienne à l‘échelle nationale et internationale.
Le concept d’industrie culturelle, qui intègre l’édition, le cinéma, la musique, la radio, la télévision et les arts de la scène ainsi que, depuis peu, les jeux vidéo, a été introduit par T. Adorno et M. Horkheimer dès 1947. L’industrie culturelle peut être formalisée comme « l’ensemble en constante évolution des activités de production et d’échanges culturels soumises aux règles de la marchandisation, où les techniques de production industrielle sont plus ou moins développées, mais où le travail s’organise de plus en plus sur le mode capitaliste d’une double séparation entre le producteur et son produit, entre les tâches de création et d’exécution ».

Si les industries culturelles y font appel tout comme les industries créatives, les premières requièrent également un contenu culturel, artistique ou patrimonial. De même, si ces deux notions s’appuient sur les droits de la propriété intellectuelle (et notamment pour les premières le droit d’auteur et le copyright), les industries créatives n’y font pas systématiquement appel ; elles reposent essentiellement sur la créativité et potentiellement sur une image de marque. (Cf. Politiques pour la créativité : guide pour le développement des industries culturelles et créatives. Publié en 2012 par l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture et l’Organisation internationale de la Francophonie).
Bien que les œuvres culturelles soient nombreuses, il est difficile d’estimer le poids du secteur culturel dans notre pays faute de statistiques disponibles.

La consommation des biens culturels
Malgré l’absence des statistiques sur le sujet, on peut affirmer que les Nigériens sont de grands consommateurs de biens culturels. Ce qui devrait en principe redynamiser le secteur. Sauf que cette consommation se ferait essentiellement de manière gracieuse. Pour s’en convaincre, il suffit de regarder le téléchargement ou partage illégal de musique qui s’est banalisé dans notre société à cause notamment des moyens limités du BNDA. Pourtant, cet acte, même s’il peut parait anodin, nuit à la création artistique. On ne le souligne jamais assez. Produire une musique ou un album est un travail de longue haleine. Bien sûr c’est une expérience qui fait plaisir mais depuis quand est-ce une raison pour ne pas être rémunéré. Les groupes et les artistes doivent être soutenus afin de rester actifs et pouvoir vivre décemment de leurs métiers.

La nécessité de valoriser les patrimoines nationaux
Le Niger dispose d’atouts considérables liés notamment à l’existence des sites et monuments culturels classés aux patrimoines national ou international. Le plus célèbre étant la mosquée d’Agadez. Malheureusement, la majorité de ces sites restent méconnus, voire en ruines. Pourtant, la culture envisagée comme secteur d’activité qui inclue le patrimoine matériel et immatériel et les industries créatives est en elle-même un puissant vecteur du développement, avec des conséquences sociocommunautaires, économiques et environnementales importantes. En outre, cela représente l’occasion de promouvoir le tourisme durable, comme un sous-secteur pour l’investissement, pour encourager l’investissement dans l’infrastructure et stimuler le développement local et durable. Par exemple, selon l’Unesco, le Conseil International des Monuments et des Sites en Irlande a estimé que pour chaque euro investi dans le patrimoine, 300 à 400 euros (1 euro égale à 655,957 FCFA) reviennent au Trésor. Pour quatre emplois à temps complet crées dans le secteur, dix emplois à temps partiels sont générés. Enfin, « l’expérience montre que les ressources culturelles d’une communauté peuvent être transformées en richesse économique en promouvant le caractère unique de l’identité, les traditions, les produits culturels et les services d’une région dans le sens où ils génèrent emplois et salaires » et donc contribuer à réduire la pauvreté.

La réduction de la pauvreté
La réduction de la pauvreté reste un enjeu important, voire vital pour nos autorités. Le secteur de la culture donne une ressource économique durable dans laquelle les communautés sont habilitées à prendre part à leur développement économique.
Les économies nationales peuvent en effet tirer profit de manière significative du secteur de la culture. « Des statistiques récentes de l’UNESCO (Mars 2012) montrent qu’en Equateur, les activités culturelles publiques et privées ont contribué à 4,76% du PIB et que, la même année, 2 ,64 % de la population totale employée travaillait dans des emplois culturels. Le secteur de la culture au Mali représentait 5,8% de l’emploi en 2004 et 2,38% du PIB en 2006, tandis qu’en Colombie, l’artisanat représente un revenu annuel d’environ 400 million de dollars américains, dont 40 millions en exportations.

En définitive, le secteur de la culture soutient l’économie par la création directe et indirecte d’emplois. Il contribue également à stimuler l’innovation dans d’autres secteurs en termes de gains de productivité, de développement régional, national, d’image de marque de la communauté et de promotion du tourisme local ou national. Enfin, pour se développer, le Niger doit en partie s’inspirer des grandes nations qui ont su mettre la culture au cœur de leurs stratégies.

@ibrahimlouche


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